Le Cerrado brésilien brûle : l’Europe a une dernière chance pour le sauver

Le Cerrado brésilien brûle : l’Europe a une dernière chance pour le sauver

Le Cerrado, joyau oublié d’Amérique du Sud, est en danger. Cette mosaïque de savanes et de prairies, qui occupe 20% du territoire du Brésil, a connu des incendies sans précédent le mois dernier, alors que la saison sèche ne fait que commencer. Cette destruction est principalement due à la conversion d’écosystèmes naturels en terres pour produire des commodités, notamment à destination du marché européen. La destruction d’écosystèmes naturels tels que les savanes et les prairies doit absolument être prise en compte dans la loi européenne contre la déforestation, qui se négocie en ce moment-même entre les pays membres avant un Conseil des ministres de l’Environnement crucial.

Le Cerrado, au sud de l’Amazonie au Brésil, a connu un record absolu de feux au mois de mai. Les satellites de l'Institut national de la recherche spatiale (INPE) ont détecté 3.578 foyers le mois dernier, un chiffre jamais égalé depuis le début le début des relevés. L’Amazonie, quant à elle, a enregistré le second plus grand nombre de feux de forêts pour un mois de mai depuis 2004. Ces incendies résultent, en grande partie, de l’exploitation agricole : des écosystèmes naturels sont brûlés pour être convertis en zones agricoles ou de pâturage.

Des incendies dans la savane du Cerrado en juin 2021 © Andre Dib / WWF-Brazil

Le mois de mai ne marque que le début de la saison sèche. Dans les biomes brésiliens les plus larges, les feux ont tendance à s’intensifier au cours du mois de juin pour atteindre leur pic en aout et en septembre. Ces taux d’incendie record, qui étaient déjà observés l’année dernière en mai dans le Cerrado[i], laisse donc présager une année 2022 dévastatrice.

Une riche biodiversité mise en danger pour la production du soja et de bétail

La situation du Cerrado est préoccupante. Cet écosystème complexe de savanes, de prairies et de forêts a déjà perdu plus de la moitié de sa végétation naturelle depuis les années 1970. Il abrite pourtant à lui seul 5% de la biodiversité mondiale, dont des espèces emblématiques comme le jaguar et le fourmilier géant. Si la disparition de ces zones naturelles est dramatique pour les espèces, elle l’est tout autant pour le climat : les prairies et les savanes ont un rôle très important dans la lutte contre le changement climatique, puisqu’au niveau mondial elles stockent approximativement la même quantité de carbone que les écosystèmes forestiers, soit 30 % du carbone terrestre.


La destruction du Cerrado résulte en grande partie de l’expansion de la production de soja et de pâturages pour les bœufs, qui ont dépassé ceux de l’Amazonie. L’Union européenne a une lourde part de responsabilité : en 2019, l’Europe importait 70.000 tonnes de bœuf provenant du Cerrado et un quart de nos importations directes de soja sudaméricain dans l’UE venaient du Cerrado,  comme le rappelait le rapport du WWF, « Savanes, prairies, mangroves : les grands sacrifiés de l’UE ».

La loi ne peut pas oublier les prairies et les savanes

Le Cerrado est classé parmi les biomes les plus menacés d’Amérique du Sud. Il n’est couvert que par une faible protection réglementaire, mais la loi européenne destinée à freiner la déforestation associée à la consommation européenne, qui doit être votée à la fin de cette année, pourrait jouer un rôle crucial, si elle étend son spectre au-delà des forêts. Dans le cas contraire, les trois quarts du Cerrado, soit une superficie équivalente à la France et l’Italie réunies, ne seraient pas protégés par le règlement[ii].

Il serait toujours possible de trouver, sur le marché européen, du bœuf élevé sur des pâturages qui résultent du brûlis de zones naturelles, ou encore du porc nourri au soja provenant de terres converties dans le Cerrado.

La Belgique a reconnu le danger

Mais à l’heure actuelle, la Commission propose de patienter deux ans avant d’évaluer une potentielle inclusion des savanes ou encore des prairies. Scientifiques et organisations de protection de l’environnement tirent la sonnette d’alarme : cela pourrait entrainer une destruction de la nature encore plus rapide dans ces zones « en cours d’évaluation » par le règlement européen, par spéculation, pour profiter de ces surfaces avant que cela ne devienne illégal.

Une poignée de pays, dont la Belgique, a reconnu le danger et s’est prononcé en faveur de l’insertion des écosystèmes naturels dans le règlement. Des négociations sont en cours entre les ministres des pays membres. Le Conseil des ministres de l’environnement, qui se tient le 28 juin prochain, sera décisif. Ce sera ensuite au Parlement européen de défendre se prononcer.  Le WWF espère que nos ministres prendront cette opportunité pour stopper la destruction des précieuses savanes et prairies naturelles et se montreront à la hauteur des ambitions affichées pour inverser la tendance de la perte de biodiversité.


[i] https://www.wwf.org.br/?78788/The-dry-season-begins-with-record-fires-and-devastation-on-the-rise-in-the-Amazon-and-Cerrado

[ii] Mapbiomas Technical Note Potential impacts of due diligence criteria on the protection of threatened South American non-forest natural ecosystems, April 2022, disponible sous: https://mapbiomas-br-site.s3.amazonaws.com/Nota%20T%C3%A9cnica/Nota_T%C3%A9cnica_UE_02.05.2022.pdf