Conférence sur la biodiversité : les pays conscients de la nécessité d’enrayer le déclin

Conférence sur la biodiversité : les pays conscients de la nécessité d’enrayer le déclin

Au moment où j’écris les premiers mots de ce texte, les pays s’affairent à négocier dans divers groupes d’experts, de contact et de travail. C’est ainsi que des propositions de texte doivent être approuvées. La décision finale se prend en séance plénière, sous la direction de la ministre de l’environnement égyptien, qui siège en qualité de présidente de la COP. Elle s’acquitte remarquablement de sa tâche, qui est loin d’être aisée, car il arrive que des discussions soient rouvertes y compris durant la phase d’adoption. On négocie alors sur des nuances de vocabulaire jugées importantes, concernant des mots tels que « (très) préoccupé », « accueillir », « reconnaître », « en appeler à », « mettre l’accent sur »… Mais au-delà de ces arguties de linguistes, ce sont trois grands sujets de discussion liés entre eux qui enflammeront les débats jusqu’à la toute dernière minute de cette COP :

  1. quelle est la contribution que les pays peuvent/veulent apporter dès maintenant en vue de 2020, année où de nouveaux objectifs en matière de biodiversité devront être adoptés ? ;
  2. comment l’accès à l’information numérique concernant la biodiversité génétique ainsi que les avantages tirés de ces informations seront-ils réglementés de manière équitable ? ;
  3. quelle stratégie choisiront les pays pour garantir des moyens financiers suffisants ? Malheureusement, nous devons constater que les pays ayant des « niveaux de développement » différents sont trop souvent en désaccord sur ces sujets.

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Pendant ce temps, le WWF et d’autres ONG se relaient pour suivre les négociations de très près. Nous tentons aussi d’engager des discussions directes avec les délégations, dans l’espoir de peser sur leurs positions lorsque cela est possible, ce qui n’est pas simple naturellement. Avec un large panel d’instituts de recherche (dont des universités), les ONG attirent également l’attention des décideurs politiques en animant des stands et des activités périphériques, qui visent à rendre la gestion internationale de la biodiversité plus accessible et plus concrète. Les thèmes qui sont abordés dans ce cadre concernent notamment le rôle des communautés locales et des autorités régionales, l’importance de la science et le lien direct entre changement climatique et biodiversité. Nombre de ces initiatives se déroulent malheureusement aux mêmes moments que les réunions de négociation, ou bien elles se chevauchent. Les participants à la conférence sont donc obligés d’être sélectifs et doivent parcourir des kilomètres chaque jour pour enchaîner les différentes activités. Mais il s’agit apparemment d’une stratégie habituelle lors des COP : « bombarder » les participants d’informations, en espérant qu’un maximum d’entre elles touchent leur cible. L’espoir fait vivre, comme on dit… 

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Les activités proposées par le « Global Youth Biodiversity network » sont celles qui m’ont le plus impressionnée. Des jeunes motivés venant de différents continents tiennent des discours inspirants sur la nécessité de placer la jeunesse au centre des politiques de biodiversité. Le renforcement de capacité est une expression clé. Dans cette optique de renforcement, l’organisation a développé le guide « CBD in a nutshell » (« La CBD pour les nuls »), un document très utile pour tous ceux que les politiques internationales en matière de biodiversité intéressent. Les jeunes jouent un rôle essentiel dans l’émergence d’une plus grande sensibilité à l’importance de la biodiversité, car ils sont les décideurs et les acteurs de demain. Voilà pourquoi le WWF-Belgique impliquera très activement les jeunes dans sa campagne pour les élections en 2019

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L’importance de cette large sensibilisation est un fil rouge qui traverse toute la COP. « Mainstreaming » est un peu le maître-mot de cette édition, il signifie qu’il est nécessaire d’intégrer la biodiversité dans tous les secteurs de la société. C’est aussi le fond de la pensée du WWF, lorsque nous réclamons un « new deal pour la nature et les humains ». Mais pour y parvenir, nous avons du pain sur la planche. Selon Lin Li, directrice internationale des politiques du WWF , et cheffe de la délégation du WWF pour la COP ici en Egypte, cette sensibilisation doit se concentrer sur 3 niveaux, qui s’organisent en cercles concentriques. Le plus petit cercle contient le noyau dur des professionnels de la protection de la nature, majoritaires lors de ces conférences pour la biodiversité. Si nous ne parvenons pas à les convaincre du bienfondé d’un « new deal », ce sera très difficile de convaincre d’autres publics. Le second cercle comprend le groupe des acteurs liés à la nature. À ce niveau, nous nous concentrons principalement sur les objectifs de développement durable, dont la nature est une composante. Le dernier cercle est le plus difficile à conquérir, mais sans doute le plus important : le cercle des dirigeants, qui comprend les décideurs politiques et les secteurs de l’économie marchande. Lors des deux prochaines années, qui nous séparent de cette fatidique année 2020, le WWF et d’autres ONG collaboreront afin de toucher chacun de ces trois niveaux, en mobilisant des stratégies adaptées. À suivre donc…

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Autre exemple d’initiative positive lancée lors de ce sommet : l'appel de la Coordination des Peuples Indigènes du Bassin Amazonien (COICA), qui rassemble pas moins de 500 groupes indigènes provenant de 9 pays. Ils ont lancé une proposition de zone naturelle qui s’étend depuis le sud du massif andin jusqu’à l’océan Atlantique, en passant par la forêt amazonienne – un territoire de la taille du Mexique. Au WWF, nous savons que la protection de vastes régions naturelles est très importante pour la biodiversité. Il ressort en effet de notre rapport « living planet » que dans de telles zones protégées, la biodiversité recule moins, voire même se stabilise. Une proposition à suivre donc !

Entretemps, la 14ème conférence des parties (COP14) de la Convention des Nations Unies sur la Biodiversité (CBD) s’est clôturée. Un accord a été trouvé en vue d’un processus préparatoire pour un cadre mondial portant sur la période post- 2020. Nous nous rapprochons donc du « New Deal » demandé par le WWF. Le nouvel accord doit enrayer l’érosion de la biodiversité, être équitable et respecter les droits de toutes les parties. Cela vaut notamment pour les économies émergentes, les peuples indigènes et les communautés locales ainsi que ceux qui défendent le réseau du vivant en première ligne.

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Au moment de conclure, je constate que les pays s’apprêtent à quitter cette COP avec la satisfaction d’avoir trouvé un consensus. Mais ils ont surtout la mission cruciale et la lourde responsabilité de devoir exécuter les décisions qui ont été approuvées. De nombreux moments de concertation seront encore nécessaires avant qu’une politique ambitieuse pour la biodiversité prenne corps, après 2020. Aux yeux du WWF, les décisions auraient pu être plus contraignantes, car la crise actuelle de la biodiversité ne se résoudra pas uniquement avec de beaux discours. Quoi qu’il en soit, les États ont pris la bonne direction. Progresser dans cette direction sera le défi de la prochaine COP, en Chine. Ce sera aussi notre défi en Belgique, avec les élections de 2019 en ligne de mire.

sofie