Inondations : la nature comme alliée

Inondations : la nature comme alliée

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Soumis par Laurence Drèze

Suite aux désastreuses inondations qui ont frappé notre pays la semaine dernière, le WWF tient tout d'abord à exprimer sa profonde tristesse et sa sympathie envers les victimes. Il va de soi que tous les efforts actuels doivent être dirigés vers le secours des personnes dans le besoin. Afin que cette tragédie humaine et matérielle ne se reproduise pas, il est également temps d’aborder la question des causes et surtout des solutions adaptées.

Comment expliquer l’ampleur de ces inondations ?

Ce n’est certes pas la première fois que la Belgique connait des inondations. Ce qui diffère cette fois, c’est l’ampleur et la gravité de ces inondations. De nombreux experts pointent déjà le changement climatique pour expliquer ce phénomène météorologique extrême.

Même s’il est encore un peu tôt pour pouvoir établir un lien de cause à effet clair, il est en revanche certain que le changement climatique a contribué à aggraver l’ampleur des inondations.

Dès 1990, le premier rapport du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) indiquait ainsi que l’effet de serre accentuerait les deux extrêmes du cycle hydrologique : il y aurait à la fois plus d’épisodes de pluies extrêmement importantes et plus de sécheresses prononcées.

En ce qui concerne les pluies, cela s’explique par le fait que dans un climat plus chaud, il y a plus d’évaporation, donc plus de vapeur d’eau dans l’atmosphère, ce qui peut entrainer de plus fortes pluies. De plus, le changement climatique est aussi soupçonné de contribuer aux inondations en rendant les tempêtes plus statiques, ce qui concentre les précipitations dans certaines zones.

Si le changement climatique est à l’origine de l’ampleur des précipitations, les inondations ont quant à elles été aggravées par d’autres facteurs. En effet, l’impact des activités humaines sur la nature a affaibli les barrières naturelles qui permettaient aux sols d’absorber une partie de l’eau. Ainsi, l’artificialisation des sols (le fameux « bétonnage ») et la mauvaise gestion des rivières auront facilité un ruissellement rapide de l’eau.

Les solutions : atténuation & adaptation

Nous ne pourrons plus échapper aux conséquences du changement climatique – elles nous frappent déjà. Cependant, nous pouvons encore rassembler nos forces afin d’essayer d’en atténuer la gravité. Pour cela, nous devons rester actifs sur deux plans : l’atténuation du changement climatique par la diminution de nos émissions et la préparation de notre adaptation à ces changements.

Le GIEC alerte depuis longtemps que les événements météorologiques extrêmes seront de plus en plus fréquents à mesure que les températures globales augmenteront. Il nous faut dès lors intensifier nos efforts afin que l’augmentation globale des températures ne dépasse pas 1,5°C. Ceci ne sera pas une tâche facile. À titre d’exemple, on constate déjà que la température à Uccle est en moyenne 2,1°C plus élevée qu'à l'ère préindustrielle. Nous devons donc nous préparer à faire face à des événements météorologiques extrêmes plus réguliers et à mettre en place des solutions qui nous permettront de mieux vivre le changement climatique.

Les solutions fondées sur la nature

Ces solutions, nous pouvons en partie les trouver dans des procédés techniques classiques, tels que les digues et les murs de protection contre les inondations. Mais celles-ci ne fournissent généralement qu’un seul type d’avantage, sont coûteuses et nécessitent un entretien continu.

Les pays ont encore trop tendance à investir dans ces solutions traditionnelles qui ne prennent pas en compte la conservation de la nature. Pourtant, un écosystème sain renforce la résilience naturelle face aux conséquences du changement climatique.

Le WWF propose dès lors d’investir dans des solutions qui fournissent une série d'avantages complémentaires et qui nécessitent souvent moins d'entretien au fil du temps, car elles s'appuient sur les processus de régénération de la nature : ce sont les solutions fondées sur la nature.

Face au changement climatique, ces solutions consistent à faire de la nature notre alliée pour extraire le carbone de l'atmosphère, le séquestrer et/ou améliorer la résilience aux risques climatiques.

Pour ce faire, il s’agit de conserver et gérer et/ou restaurer des écosystèmes qui participent à l’atténuation et/ou à l’adaptation climatique tout en bénéficiant à la société et à la biodiversité. Les forêts sont probablement la solution fondée sur la nature la plus connue pour lutter contre le changement climatique, mais il en existe bien d'autres, notamment les tourbières, les zones humides et d'autres paysages.

Source: https://wwfint.awsassets.panda.org/downloads/wwf_nature_based_solutions_for_climate_change___july_2020_final.pdf

Afin de mieux lutter contre les inondations en Belgique, nous pourrions recourir à la mise en place de solutions fondées sur la nature qui nous permettraient de mieux gérer les rivières, de laisser de l'espace à la nature et d'utiliser le pouvoir d'absorption de nos sols :

Aménagement du territoire

Entre 1985 et 2020 en Wallonie, les terres artificialisées (les terres construites) ont connu une croissance d’environ 552 km², soit plus de dix fois la superficie de la forêt de Soignes. Cela signifie que l’on a diminué les espaces naturels en grappillant les terres agricoles et les forêts. Ces espaces ont pourtant des fonctions importantes de captage de carbone et de perméabilisation des sols, permettant à l’eau de s’infiltrer dans le sol et ainsi éviter les inondations. Il faut donc travailler à la restauration de la nature en dehors des villes et des villages : arrêter le drainage des zones humides, planter de nouvelles forêts, restaurer les tourbières et ainsi lutter contre les inondations et la sécheresse.

Gestion des rivières

En restaurant les systèmes fluviaux naturels et en leurs laissant la possibilité de former des méandres, ces rivières auront une capacité beaucoup plus grande et un débit beaucoup plus lent, ce qui réduit le risque d'inondation. De même, il faut s’atteler à la création de berges naturelles et de zones d'inondations contrôlées qui offrent également un espace pour la faune et la flore et peuvent donc tamponner, purifier et retenir de très grands volumes d'eau dans le sol. Le plan Sigma flamand, qui transforme déjà le bassin de l'Escaut, est un exemple à suivre dans notre pays.

Graphique du rapport 'River ecology' (WWF, 2011) illustrant les bénéfices des rivières naturelles

Gestion des sols et agriculture

Les sols sont devenus imperméables et, pour y remédier, il faut encourager des formes d'agriculture plus durables, qui nuisent moins à la capacité du sol à absorber l'eau et qui tiennent compte d'une nature qui fasse office de tampon comme les bas-côtés, les haies, les buissons et les bandes fleuries. Ces solutions sont non seulement bonnes pour la biodiversité, mais ralentissent aussi l'eau de pluie, qui ne s'écoule pas aussi rapidement dans les ruisseaux et les rivières.

atténuation et adaptation : LAISSONS LA NATURE NOUS AIDER

Le changement climatique et ses conséquences dramatiques sont là. Les inondations qui ont frappé notre pays démontrent encore une fois la force de la nature et doivent nous inviter à travailler avec elle et non contre elle - sinon, nous nous perdrons en chemin. Pour travailler avec la nature sur les deux fronts, l’atténuation et l’adaptation aux changements climatiques, nous pouvons recourir aux solutions fondées sur la nature. En laissant la nature reprendre de sa place de façon réfléchie, nous laissons notre alliée naturelle nous protéger et rétablir l’équilibre.